J’ai récemment publié un article sur le Story Circle et son utilité pour éprouver son histoire autant que pour décortiquer les histoires des autres et mieux appréhender la façon dont elles ont été fabriquées. Je ne vais donc pas y revenir, il est maintenant temps de mettre en pratique et d’utiliser le Plot embryo (ou Story Circle) dans cet exercice d’écriture en deux temps.
Premier temps de l’exercice d’écriture : un peu de décorticage littéraire
Puisque le Plot Embryo nous offre deux possibilités et que choisir, c’est renoncer, j’ai décidé que cet atelier serait double ou ne serait pas.
Pour cette première partie, il suffit de choisir une histoire parmi celles que vous connaissez. Livre, film, série, jeux vidéo… Peu importe. Choisissez l’histoire que vous voulez décortiquer et appliquez-lui le Story Circle comme Lilwen Morrigane l’a fait avec « Hunger games » et « Breaking bad ».
Quand vous avez fini, passez à la suite, ou choisissez une autre histoire et recommencez.
Second temps de l’exercice d’écriture : éprouver/improviser le synopsis d’une histoire en s’appuyant sur le Story Circle
Pour cette seconde phase de l’exercice, vous avez deux options :
Vous avez une histoire en cours de création
Dans ce cas, appliquez le Story Circle à votre histoire et voyez comment cet outil narratif peut vous aider à la consolider.
Vous n’avez pas d’histoire en cours de création
Si vous n’avez aucun projet sur le feu, utilisez le Plot Circle pour improviser le synopsis d’une histoire.
Créez un personnage et placez le dans une situation initiale simple. Vous pouvez vous servir d’archétypes pour démarrer plus rapidement. Ensuite, en vous aidant du Plot Embryo, développez un scénario cohérent et inspirant (qui vous inspire et/ou vous amuse).
Et après ?
Une fois l’exercice fini, si votre histoire vous laisse indifférent·e, vous pouvez en rester là. En revanche, si la base que vous avez créée vous semble intéressante et que vous avez envie d’approfondir, n’hésitez pas à reprendre votre synopsis depuis le début pour faire toutes les corrections et modifications que vous jugerez nécessaires pour affiner et étoffer cette histoire.
Petit plaisir coupable : j’ai commencé ce week-end la série « The Royals » et, bien que j’aie vite trouvé ça nul, j’ai avalé la saison 1 au mépris de mon quota de sommeil. Avalé comme on avale un MacDo (j’en mange plus depuis longtemps, mais vous voyez l’idée), en sachant que c’est de la merde, mais après tout, de temps en temps, ça fait pas de mal. Et puis, une daube, c’est aussi formateur qu’un chef d’œuvre.
Je m’excuse d’avance auprès de celles et ceux qui ont aimé la série pour le mal que je vais en dire.
« The Royals », une mauvaise série dont on tire de bonnes leçons (de narration)
« The Royals« , c’est une série sur une famille royale britannique alternative, mais dans notre monde à nous (comme disait Calo quand il chantait avec Les Charts).
Là où ça coince d’emblée, c’est qu’il n’y a rien de britannique dans la série, au point que je me suis dit : « c’est pas possible que ça soit une série anglaise ». Bingo ! C’est une série américaine. Avec toute la subtilité que ça implique.
« The Royals », une leçon de narration « à ne pas reproduire chez soi »
Il n’y a rien qui va dans cette série. Des décors aux costumes en passant par le jeu des acteurices, la pauvreté des dialogues ou encore la romance toxique et la culture du viol. J’en veux pour preuve le rouge intense typique des tapis, tentures et autres tissus d’ameublement de la royauté qui est remplacé par un rouge fuchsia cheapos qui confère une ambiance Barbie Kitsch à un palais qui n’avait déjà rien de British.
Et que dire de l’intrigue, aussi inspirée qu’une chanson de Vianney. C’est pas dur, chaque épisode nous éloigne un peu plus de The Crown (dont on était déjà à des années lumières) pour nous rapprocher un peu plus de Pretty little liars (autre plaisir coupable que j’avais fini par lâcher parce que, putain, ça n’en finissait jamais).
La reine d’Angleterre, interprétée par Liz Hurley, n’a rien d’une reine et n’a rien d’anglais. Elle fleure bon la pétasse et l’Amérique et passe son temps à bitcher sa fille tout en se tapant la moitié du palais, pendant que ladite fille se tape l’autre moitié (même s’il arrive que l’une empiète sur la moitié de l’autre).
La fille est une princesse trash qui passe son temps à se camer et à se complaire dans des relations toxiques largement dominées par le sexe pas toujours très consenti.
Le fils est un mélange pas subtil de la blondeur sage et candide de William et de la rebelle et fêtarde attitude d’Harry, avec comme résultat un prince insipide qui oscille entre deux personnalités sans faire honneur ni à l’une ni à l’autre. On ne crache toutefois pas sur la multitude de plans sur sa gueule d’ange.
Que dire du frère du roi, un dépravé qui abuse des bonnes, de la came et de la corruption et qui jalouse et convoite le trône de son frère tout en étant fringué comme le bouffon du roi. Je ne parlerai même pas de ses deux filles, qui sont finalement peut-être la plus grande réussite de la série.
Le flegme et l’élégance britanniques vus par les Américains, ça donne une série cheap qui tient plus du teen movie que de la série historique et qu’on regarde avec délice et culpabilité en se disant « Allez, je ferai attention demain ».
Un demain qui pourrait arriver plus vite que prévu, parce que j’ai commencé la saison 2 et je vous préviens, ça ne va pas en s’arrangeant !
Mais tout n’est pas à jeter dans les séries de merde, pour peu qu’on arrive à les regarder.
Apprendre de ses erreurs ? Ou de celles des autres !
Et oui, l’observation et le décorticage d’une création de mauvaise qualité nous en apprend autant que celle d’un chef d’œuvre, que ce soit en peinture ou en narration.
Parce qu’apprendre à reconnaître ce qui ne fonctionne pas, c’est aussi précieux que de savoir identifier ce qui marche. Et puis, quitte à apprendre des erreurs, autant gagner du temps et apprendre de celles des autres !
Dans « The Royals », bien que tout soit plus ou moins nullos, le plus gros fail de la série, c’est la crédibilité de son univers. Si cela avait été un royaume fictif, ça aurait peut-être pu passer. Mais quand on déclare que son histoire se déroule au palais d’Angleterre, tout alternatif qu’il est, ça suscite quelques attentes et ici, le contrat n’est pas du tout rempli.
On voit que le sujet n’a pas été bossé, que les Américains n’y connaissent putain rien à l’Angleterre et à la monarchie, et que cette série relève plutôt du fantasme d’un ignorant (so Trump !).
Le souci, c’est que quand læ spectateurice/lecteurice ne croit pas à l’univers, iel ne croit pas à l’histoire. Il est donc crucial de bosser son sujet et de faire des recherches, le cas échéant. Parce qu’un détail peut faire décrocher.
Le décorticage littéraire, une bonne excuse pour mater des séries de merde sans culpabiliser
On pourrait aussi tirer des leçons de cette série sur les dialogues, le développement des personnages et la construction d’une intrique, mais l’idée de cet article, en dehors de bitcher un peu sur la série, c’est surtout de souligner le fait que les créations de mauvaise qualité peuvent être aussi formatrices que celles qui nous fascinent et nous font rêver.
Pour terminer, j’ajouterai que même dans une œuvre de qualité, on peut relever des défauts, des fragilités, des « ah moi, c’est pas comme ça que j’aurais fait » qui sont autant de leçons à tirer et à retenir pour nos propres créations.